Qu’ont en commun Amélie Darvas et Florent Ladeyn ? Pas mal de choses. Et avant tout d’être de jeunes chefs qui cuisinent comme ils respirent, sans se prendre la tête, à leur rythme, en imposant leur vision de la cuisine actuelle qui se doit d’être naturelle et inspirée. Ils ont aussi en commun de passer beaucoup plus de temps derrière leurs fourneaux que derrière un écran d’ordinateur. Les sites web de leurs établissements étant d’une pauvreté graphique et d’un minimalisme qui confine au kitch de la soirée étape provinciale (pour Florent Ladeyn) et au dépouillement digne du blog d’une enfant de 10 ans qui débute sur le web (pour Amélie Darvas) !
Mais c’est plutôt une bonne nouvelle ça ! Plutôt que d’appâter la galerie avec des sites hyper-léchés et une présence sur les réseaux sociaux de tous les instants, nos deux chefs se concentrent tout à leur art. Et ça marche, leurs tables sont prises d’assaut par tous les gourmets avertis. Et le deux viennent même d’être récompensés lors du salon Omnivore 2017 !
Aurélie Darvas, d’abord. La jeune chef du Haï-Kaï, posé le long du quai de Jemmapes dans l’hyper branché quartier du canal Saint-Martin, décroche le prix de la Révélation 2017. A 27 ans, elle fait preuve d’un vraie maitrise et délivre une cuisine millimétrée et joueuse. Et cela, même, quand elle doit sortir des plats pour une trentaine de couverts au sein d’un salon Omnivore un peu foutraque. J’ai testé et je peux vous dire que la jeune cuisinière assure sous la pression. Cuisson de la saint-jacques de Port-en-Bessin légère comme il faut. Bar sauvage de l’Ile d’Yeu recouvert de champignons coupés façon truffe et extraction de persil revigorant. Ou pigeonneau royal et foie gras vapeur accompagné d’endive au beurre de spéculos étonnant. Sa fréquentation de nombreuses maisons réputées lors de son apprentissage (Jego, Fréchon, Darroze, etc.) lui a sans doute tanné le cuir, lui permettant d’atteindre déjà une certaine maturité là où nombre de cuisiniers révisent encore leur abécédaire…
Une « révélation » qui est déjà bien connue et reconnue. Un peu comme Florent Ladeyn, 32 ans, exposé sous les lumières de Top Chef en 2013 et dont l’Auberge du Vert Mont, étoilé Michelin, ne désemplit jamais. Mais la comparaison s’arrête là. Car à côté de le fluette Amélie Darvas, notre « homme du nord » affiche une carrure de bucheron au Hellfest ! Catogan sur le dessus du crane, barbe et tatouages sur les bras (une fourchette à gauche et un couteau à droite!), Florent Ladeyn a enflammé la scène d’Omnivore où il décroche le titre de Créateur 2017. Dans son petit bled de Boescheppe (et maintenant dans sa « cantine flamande » de Lille : le Bloempot) il expérimente, il teste, il ose avec un crédo digne d’un Bénédictin : ne cuisiner que des produits locaux de sa Flandre chérie !
Résultat, à part le sel, tout ce que vous mangerez chez lui provient d’un rayon de quelques kilomètres et est fourni par une vingtaine de producteurs qu’il soutient ardemment. Sur la scène d’Omnivore, Florent a même fanfaronné avec le premier citron bio cultivé dans le nord ! Et tout est à l’avenant : ainsi le foie de génisse séché est rappé pour remplacer le cacao et l’on ne mange chez lui que des produits de saison. « L’hiver est long et quel bonheur de retrouver du vert dans l’assiette au printemps. Mais je crois que la contrainte m’est utile pour créer », explique ce chef un peu maso, ok, mais tellement généreux qu’il sort une dizaine d’assiettes en quelques minutes devant un public en pâmoison. Je n’ai pas (encore!) été m’attabler à son Auberge du Vert Mont, donc ceci n’est qu’un jugement très subjectif et partiel mais le Viking du ch’nord me semble bien être un sacré créatif qu’il faut aller rencontrer d’urgence…
Informations pratiques :
Florent Ladeyn officie à L’auberge du Vert-mont (www.vertmont.fr) et au Bloempot (www.bloempot.fr) dans le Nord de la France.
Amélie Darvas cuisine au Haï-Kaï à Paris (www.haikai.fr).
Site du formidable festival Omnivore qui célèbre la jeune cuisine : www.omnivore.com