Ce sont les dingos, les barjots et les zozos qui font avancer le monde. Pas les raisonnables et les sérieux. Et Andriy Maximov fait définitivement et assurément partie de la première catégorie de ces doux dingues toujours en mouvement qui osent tout parce que de toute façon, ils ne savent pas faire autrement. Imaginez un jeune gars arrivé de son Ukraine natale gamin dans une Bretagne qu’il adore plus que tout aujourd’hui. Sorti meilleur apprenti régional catégorie boucherie, il passera aussi bien par la grande distribution et ses rayons viandes sans âme que par les meilleurs bouchers parisiens (Hugo Desnoyer et Yves-Marie Le Bourdonnec, pour ne citer qu’eux). Puis, il partira voir outre-atlantique comment on traite la barbaque chez des « butchers » références là aussi, que ce soit Dickson’s Farmstand Manhattan, « une des 20 meilleures boucheries des States », Fleicher’s à Brooklyn ou encore Marlow & Daughters.
Un boucher haute couture en Bretagne
Première constatation : le bonhomme est curieux et il a la bougeotte. Mais il est aussi fidèle à sa Bretagne d’adoption puisque c’est à Brest qu’il a ouvert sa boucherie pas comme les autres. Andriy a décider de vendre de la viande comme Chanel des robes. Soit des produits artisanaux travaillés sur mesure. D’où le nom qu’il a choisi pour son enseigne et qui dénote dans le milieu bien traditionnel des bouchers : Meat Couture ! D’ailleurs, quand on voit sa boutique qui borde les rives de la Penfeld, la rivière qui coupe Brest en deux et qui est propriété de la Marine Nationale et de son arsenal depuis 1631, on est loin des échoppes à viandes habituelles. Sur une bande son rap, jazz et funk des bouchers hipsters, barbus, tatoués, en jean et basket tranchent des entrecôtes dans des pièces de carcasses immenses aux couleurs sombres affirmant leur longue maturation. Un billot central permet au client et au boucher de discuter du repas du soir dans une ambiance ultra cool. On déambule devant les murs recouverts d’armoires réfrigérées dans lesquelles s’étalent charcuterie maison et viandes de petits producteurs locaux (ou non) tous choisis soigneusement pour l’amour de leur travail. On est dans une boucherie là ?
« Ouais c’est une boucherie, mais c’est aussi un delicatessen à la mode new-yorkaise où l’on vient acheter sa viande mais où l’on peut aussi prendre un petit dej’ bien copieux le matin et se faire cuire une belle pièce de bœuf le midi », rigole Andriy, casquette Batman vissée sur la tête et tripotant un foie de veau qu’il caresse avec sensualité. D’ailleurs, le Pont de Recouvrance qui se dresse devant la vitrine de Meat Couture, avec ses piliers en béton ultra graphiques, pour Andriy, c’est le Brooklyn Bridge. Et son quartier de Recouvrance, la partie la plus populaire de Brest où ont toujours vécu les ouvriers de l’arsenal et où venaient s’encanailler les marins en escale, c’est l’équivalent du borough de New-York qui détrône Manhattan à la rubrique hype depuis quelques temps déjà… « J’ai voulu ramener de New-York le côté cool et fun des boucheries qui osent des recettes audacieuses et proposent le travail des viandes que seuls la communauté juive maitrise pour faire du pastrami, du corned beef, du smoked beef. Mais sans oublier la notion de terroir qui fait de la France une terre inégalée de bons produits travaillés avec amour par des éleveurs au savoir faire unique».
Un delicatessen comme on rêve d’en avoir un en bas de chez soi…
Voilà comment, ici, vous trouverez de magnifiques viandes rouges maturées au minimum 3 semaines sur carcasse mais souvent beaucoup plus longtemps, jusqu’à 1 an ! De l’agneau de Lozère nourri avec de l’herbe, les volailles coucou d’Olivier Renault, du cochon long white nourri aux poireaux, carottes et pommes de terre. Mais aussi et surtout des viandes transformées en charcuterie haut de gamme traditionnelle (comme ces rillettes montées au blanc d’œuf, ce saucisson à l’ail comme on n’en voit plus…) et des recettes maison comme cette saucisse bœuf-agneau-menthe-basilic-huile d’olive-piment rouge d’Espelette-tomates séchées : soit une vraie merguez comme vous en trouverez rarement ailleurs ! Devant le succès de sa petite entreprise de fada qui arrive à proposer des viandes et charcuteries de très haute qualité à des tarifs élevés mais raisonnables dans une ville du bout du monde comme Brest, Andriy et son épouse, la moscovite Elena (qui l’accompagne pour les propositions sucrées) ont ouvert une seconde boutique dans le centre de « Brest même » comme aiment à dire les locaux, soit les Halles Saint-Louis. Mais c’est la boutique de Recouvrance et son côté atelier de passionnés qui ont ma préférence. En avalant un énorme breakfast d’œufs, de lard et de pancake « comme aux states », accompagné d’une planche de terrines et charcuteries bien bretonne, on se prend à rêver de ce meilleur des deux mondes. Le Pont de Recouvrance en toile de fond hypnotique. De mémoire de marins, ça fait un bail qu’on avait pas eu envie de rester en rade à Brest !
Informations pratiques : http://meatcouture.com