Et si le meilleur sushi bar de France se trouvait en Bretagne ? Au bout du Finistère. Dans une ruelle anodine de Brest, cette grande ville sans grâce battue par les vents ? En voilà une drôle d’idée. C’est pourtant bien l’idée qui va vous tarauder lorsque vous sortirez du restaurant de poche de Xavier et Mika Pensec.
Dès que l’on pénètre dans l’ambiance tamisée de Hinoki, on est transporté en un flash dans l’une des nombreuses gargotes japonaises qui cuisinent comme personne le poisson cru. On s’attend presque à ce que les cuisiniers vous saluent d’un bruyant « bienvenu » en chœur comme les nippons font là-bas dès que vous poussez la porte d’un « bistrot » ! Mais, non, tout de même pas. Xavier et Mika n’ont pas importé ce salut surprenant jusqu’au fin fond de leur Bretagne. Mais c’est bien la seule chose qui ne vient pas de Tokyo… Le décor tout en bois laqué, teintes neutres variant du beige au noir, le grand comptoir derrière lequel on s’installe, la vaisselle raffinée et même l’habit blanc façon « kimono » du chef ainsi que ses couteaux à l’acier nippon acéré, tout vous plonge dans un japon fantasmé.
Un chef formé par les meilleurs maitres sushis
Et pourtant, vous êtes bien en Bretagne. Et Xavier Pensec est bien un breton. Soit un homme de mer têtu et endurant, dur à la tache, qui ne laisse jamais repartir le filet tendu par les flots et qui sait affronter les éléments, qu’ils soient physiques ou impalpables, pour les dompter. Un homme un peu fou qui se lance un défi encore plus délirant : faire des sushis à la mode bretonne tout en respectant l’esprit nippon. « C’est un challenge de tous les jours car nous ne travaillons qu’avec des poissons pêchés au large, ultra frais, à peine sortis de l’eau et proposés quelques heures après à nos clients. Un désir de qualité ultime qui est une évidence au Japon pour les maîtres sushis auprès desquels je me suis formé », assure le bonhomme qui a eu une vie bien remplie et hétéroclite avant de tomber en amour avec l’art du sushi lors d’un voyage au pays du soleil levant.
Lui qui ne connaissait que les sushis avalés à la va-vite en France dans des restos dits japonais, il n’en revient pas en goûtant les saveurs marines et diverses des sushis de là-bas. Il décide donc de se former auprès de divers artisans, grands chefs ou simples cuisiniers de quartier pratiquant leur art depuis des dizaines d’années et adoubés par leur clientèle, locale et connaisseur en matière de poisson cru. Il rencontre Mika qui devient sa femme et le suit si loin de l’archipel nippon pour se lancer dans cette aventure folle qui consiste à ouvrir un des sushis bar les plus exigeants d’Europe. Eh oui, c’est à Brest que ça se passe. Pas Londres, Berlin ou Paris, là où le couple aurait trouvé des clients avertis et éduqués… Mais pas de poissons et crustacés tout juste sortis de l’eau !
Être à proximité de la mer pour avoir les poissons les plus frais
« C’est un choix logique de s’installer près de la mer. Au Japon, historiquement, on cuisine les sushis près de l’océan. C’est une évidence. Pour nous, c’était aussi incontournable de nous installer au plus près des pêcheurs. D’autant que je pratique la cuisine du sushi Edo-Maé qui consiste à préparer les bouchées une à une, en direct devant le client qui les consomment quelques secondes après seulement. Un travail d’artisan qui ne peut s’épanouir qu’en petit comité… » Résultat, une dizaine de couverts seulement par service et des tarifs assez élevés (à partir de 68 euros pour un menu comportant 10 pièces de sushi et 6 makis). Mais pour quel résultat !
D’abord, assis derrière le haut comptoir, on assiste au travail du maître qui découpe avec une dextérité affirmée des tranches de poissons ultra sélectionnés. La pêche du jour, exclusivement. Et provenant en majeur partie du travail de François Castineiras, un jeune pécheur que Xavier Pensec a encouragé à pratiquer la pêche Ikejimé. Une technique utilisée par les pécheurs japonais qui consiste à vider le poisson encore vivant de son sang dès sa sortie de l’eau. Puis à introduite une fine tige d’acier qui détruit sa moelle épinière, ce qui libère des endorphines donnant une saveur bien plus fine à la chaire. Le tout permettant aussi de préserver la fraîcheur du poisson et l’apparence de la chaire plus longtemps. Bref, une méthode aussi rude que délicate, à l’image du tempérament japonnais qui donne les meilleurs poissons à sushis depuis des millénaires. Une technique encore peu pratiquée en France mais que les grands chefs étoilés plébiscitent déjà.
Chez Xavier et Mika, donc, on vous sert un poisson cru comme vous n’en n’aurez sans doute jamais goûté de votre vie. Chaque bouchée est concoctée en direct, à partir d’un riz légèrement tiède. Xavier pose chaque sushis devant vous et vous intime l’ordre de le consommer dans l’instant pour en déguster toute les saveurs délicates. Chez Hinoki, on vous donne presque la béquée. Ne vous souciez pas du wasabi et du vinaigre que le chef incorpore lui-même dans ses sushis. Vous n’avez qu’a fermer les yeux et déguster.
Un repas magique. Hors du temps. Pour amateurs éclairés traversant le pays pour s’offrir cette expérience unique ou néophytes souhaitant goûter d’authentiques sushis. Un travail d’artisan besogneux, qui ne découpe que du poisson frais qui n’a jamais vu la glace, des fruits de mer vivant, des algues locales fraîches et fondantes. Hinoki est une adresse confidentielle, perdue au milieu d’une cité austère aux confins d’un pays qui n’y connais pas grand chose en véritable gastronomie nippone. Autant vous dire que pousser la porte de cette adresse unique est un gage de voyage rare et précieux. Où l’on déguste des produits bruts et simples, pratiquement pas travaillés, en apparence, mais qui demandent plus de soin et d’attention que vous ne pourrez jamais imaginer. Du brut, sauvage et raffiné à la fois, comme le caractère breton authentique, en somme.
Information pratique : http://sushinoki.fr/
Lionel
Bah ouais c’est le resto qui m’a réconcilié avec le japonais et je suis devenu depuis fan du genre.
Super resto et un restaurateur hyper sympa