Et si le Wakanda existait vraiment ? Ce royaume africain imaginaire est au cœur du blockbuster Black Panther. Un film qui, en 2018, s’est imposé comme le 3ème plus gros succès de l’Histoire du cinéma américain ! A travers la planète, beaucoup de fans de cette fable de la pop culture rêvent que ce Wakanda de tous les fantasmes existe. Caché dans une région reculée d’Afrique. Un territoire de cocagne qui reste à découvrir. Dans la réalité, il y a bien un pays qui pourrait postuler au titre : le Ghana !
On peut s’amuser à faire la liste des liens imaginaires que ce petit pays tranquille du Golfe de Guinée tisse avec le fameux Wakanda. Sur son drapeau, point de « panthère noire » mais une étoile noire qui flotte fièrement au vent pour rappeler que cette terre qui était connue, sous domination britannique, comme La Côte de l’Or, est devenue le Ghana en 1957. Ouvrant la voie à toutes les autres indépendances de l’Afrique Noire. Avec à sa tête un leader, Kwame Nkrumah, chantre d’un pan-africanisme que ne renierait pas T’Challa, le prince du Wakanda, héraut du premier film de super-héros africains, nommé 7 fois aux Oscars 2019 et qui a remporté trois statuettes. Un record historique pour un film au casting quasi intégralement « noir » et nouvelle fierté de tout un continent, tout particulièrement au Ghana. D’ailleurs, est-ce vraiment un hasard si Google vient d’ouvrir son tout premier centre de recherche en intelligence artificielle d’Afrique à… Accra ? Propulsant la capitale ghanéenne en tête des pays les plus « tech » du continent, comme ce Wakanda de fiction et ses technologies futuristes.
Admettons le comme un fait acquis, si le Wakanda existait, il s’appellerait Ghana ! D’autant que ce petit état anglophone de 30 millions d’âmes est aussi discret, paisible et peu connu que son cousin imaginaire qui vit caché des yeux du monde. On se balade sans crainte dans les rues d’Accra, la capitale de cette « suisse africaine » qui joui d’une tranquillité et d’une stabilité politique dont ses voisins ne peuvent pas forcément se vanter. Les fans d’architectures admireront les « cadeaux » que le monde entier semble prendre plaisir à offrir aux ghanéens. Les Chinois ont construit le Théâtre National, aux lignes triangulaires qui dessinent « une mouette déployant ses ailes ». Les Indiens ont offert le Palais Présidentiel en forme de pyramide dorée faisant penser à la tête géante d’un robot. Quant au mausolée de Kwame Nkrumah, le père fondateur du Ghana, sa mise en scène est digne d’un péplum à la mode africaine. Pas si éloigné des décors grandiloquent du Wakanda…
Si le Ghana devient, doucement, une destination touristique en Afrique, c’est notamment pour le tourisme de mémoire lié au triste épisode de l’esclavagisme. Là encore, aucun hasard si Melania Trump décide de poser ses escarpins pour la première fois sur le continent Africain… au pays du « roi guerrier » (traduction du nom Ghana). En octobre 2018, la first lady entreprend un voyage diplomatique, sans son tonitruant président de mari, qui fait couler beaucoup d’encre. Elle profite de son passage au Ghana pour aller visiter le fort de Cape Coast, à deux heures de route de la capitale. Une des merveilles historiques du pays et aussi l’un de ses plus âpres souvenirs. Car ce « château » construit au milieu du 17ème siècle fut l’un des plus importants centres de la traite négrière. L’Empire Britannique y interna et y déporta des centaines de milliers d’africains vers « le nouveau monde ». On visite aujourd’hui ce haut lieu de la mémoire de l’Humanité avec émotion tout en contemplant les vagues qui se fracassent au pied de ses hauts murs. Beaucoup d’afro-américains viennent ici se recueillir sur les traces de leurs ancêtres. Et le succès de Black Panther, dans lequel le Ghana est l’un des deux seuls pays africains explicitement cités, semble avoir accéléré le mouvement. « D’autant que la colonisation, l’esclavagisme et l’indépendance constituent la trame de fond de ce film, si l’on creuse derrière ses scènes d’action spectaculaires », reconnait Daniel, l’un des guides qui mène la visite de Cape Coast. Au milieu des geôles dans lesquelles étaient entassés les esclaves avant leur « déportation » vers les Amériques, il insiste d’ailleurs bien plus lourdement sur la valeur de la couronne de fleurs déposée par l’épouse de Donald Trump que sur celle qu’un certain Barack Obama a laissé quelques années auparavant… Et évoque la réplique du souverain T’Challa qui assure que « le sage construit des ponts, quand le fou dresse des murs »… Melania meilleur atout diplomatique de Donald ? Au Ghana, en tout cas, sa venue a marqué les esprits.
A quelques kilomètres seulement de Cape Coast s’élève un autre fort, celui d’El Mina. Construit par les portugais en 1482 et alors baptisé Sao Jorge Da Mina, en référence aux mines d’or qui constituent aujourd’hui encore la principale richesse du pays. Cette bâtisse en fort bon état est la plus ancienne construction occidentale au sud du Sahara. Ces deux « castle » de bords de mer, classés au patrimoine mondial de l’Unesco, pourraient justifier à eux seuls le voyage. Mais il serait dommage de ne pas profiter des magnifiques et désertes plages qui bordent le Golfe de Guinée. Peu fréquentées, elles attirent ceux qui aiment se prélasser, seuls face à l’océan et sous un soleil mordant, dans des eaux chaudes et remuantes.
Côté shopping, oubliez l’or. Et allez plutôt visiter une fabrique de perles de verre. Les ghanéens sont réputés dans toute l’Afrique pour leur art du façonnage de ces bijoux longtemps statutaires et rituels. Désormais ce sont sur les podiums des fashion week de Paris, New-York ou Shanghai que l’on retrouve ces perles multicolores incorporées aux vêtements des créateurs. Un œil averti les aura aussi reconnu dans les costumes délirant des personnages de Black Panther. Réalisées à partir de bouteilles de verre recyclées par des artisans habiles, elles explosent de couleurs et de motifs. Ce sont les Krobo, une ethnie vivant à quelques centaines de kilomètres à l’est d’Accra, qui confectionnent ces perles. Mais, dans la banlieue de la capitale, l’atelier TK Beads Industry vous permettra de découvrir in situ l’art de ces maitres verriers à l’imagination fertile.
Les poignets ornés de rangs multicolores de perles, vous pourrez alors explorer le cœur battant d’Accra. Direction le quartier de Jamestown où vivent toujours les familles des pécheurs qui étaient là bien avant qu’Accra ne se développe en cité multiculturelle. Aujourd’hui, encore, dominées par l’un des plus anciens phares d’Afrique, une multitude de cahutes de bric et de broc constituent les abris de ce petit peuple de pécheurs qui partent en mer à bord de barques de bois peinturlurées de prières à Dieu. Voir la myriade d’embarcations accoster des rives chargées d’une cohue trépidante est un spectacle unique. On dit aussi que c’est de ce faubourg populaire et rude que viennent les meilleurs boxeurs ghanéens. Comme si le chaos et le chahut étaient les plus belles matrices pour former, sur les eaux comme sur la terre poussiéreuse, des hommes forts. Toujours prêts à défendre les couleurs de ce petit Wakanda que le reste du monde commence tout juste à découvrir…